Le dernier exemple connu des "bons vaccins"
- Par bartholan
- Le 15/11/2020 à 09:57
- Dans International
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Sanofi, pourquoi le vaccin contre la dengue vire au cauchemar
Analyse
Les Philippines ont annoncé, vendredi 1er mars, des poursuites contre six responsables de Sanofi Pasteur dans le cadre d’une enquête sur des décès d’enfants vaccinés contre la dengue. Annoncé comme très prometteur, ce vaccin pourrait provoquer des infections plus sévères chez les personnes n’ayant jamais contracté la maladie.
Un communiqué aussi prudent que laconique. « Nous sommes en profond désaccord avec les conclusions formulées à l’encontre de Sanofi et de certains de ses employés et nous les défendrons vigoureusement. » C’est avec ces quelques lignes que le groupe pharmaceutique français a réagi, vendredi 1er mars, à une nouvelle en forme de coup de tonnerre venue des Philippines.
Le gouvernement local a annoncé que des poursuites allaient être engagées contre six responsables de Sanofi Pasteur dans une enquête sur le décès d’enfants ayant reçu le vaccin contre la dengue. Un nouvel épisode d’un feuilleton en forme de cauchemar pour l’entreprise française.
837 000 écoliers vaccinés
Un « moment historique dans la prévention des maladies infectieuses », clamait pourtant Sanofi Pasteur en février 2016 quand son vaccin, le Dengvaxia, a été lancé aux Philippines. Un lancement en fanfare pour ce vaccin, le premier au monde contre la dengue. Et un enthousiasme partagé par le gouvernement philippin de l’époque qui avait activement soutenu une campagne de masse.
Au total, 837 000 écoliers ont reçu une ou plusieurs doses du vaccin. Mais fin 2017, la campagne a été interrompue face à la crainte que le vaccin, plutôt que de protéger, n’aggrave les infections chez des sujets n’ayant jamais été touchés par la dengue jusque-là. Et la justice philippine enquête actuellement sur le décès de dix enfants vaccinés, en mettant directement en cause la société française qui, pour sa part, réfute tout lien de causalité entre ces décès et le Dengvaxia
Au début, pourtant, tout avait bien commencé. Sanofi Pasteur avait suscité d’importants espoirs en 2014 en annonçant des résultats prometteurs de son vaccin contre la dengue. Également appelée « grippe tropicale », cette maladie virale est transmise à l’homme par des moustiques.
« L’incidence de la dengue a progressé de manière spectaculaire dans le monde entier au cours des dernières décennies. (…) Selon une estimation récente, on compterait 390 millions de cas de dengue par an », indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Chaque année, on recense environ 500 000 formes hémorragiques de la maladie, mortelles dans plus de 2,5 % des cas. « Et il n’existe aucun traitement », indique le professeur Jean-Paul Stahl, chef du service des maladies infectieuses du Grenoble.
100 millions de doses par an
Sanofi Pasteur pensait tenir avec son Dengvaxia un vaccin à la fois très utile pour la santé publique et… pour ses finances. Confiante, la société annonçait ainsi en 2016 que son usine de Saône-et-Loire, entièrement dédiée au vaccin, fournirait à terme 100 millions de doses par an.
Mais depuis novembre 2017, Sanofi fait profil bas. Le laboratoire a alors annoncé que son vaccin était en fait protecteur uniquement chez les personnes ayant déjà été infectées par la dengue par le passé. « Quant aux personnes ne présentant aucun antécédent de dengue, les analyses montrent qu’à plus long terme à la suite de la vaccination, davantage de cas sévères de dengue pourraient être observés en cas d’exposition au virus », précisait alors Sanofi.
Un cas de figure pas banal. En principe, en effet, un vaccin vise à protéger des gens n’ayant jamais été infectés par une maladie. Mais dans le cas de la dengue, rien ne marche comme prévu. Au contraire, les personnes vaccinées semblent développer des formes plus graves que les non vaccinées.
L’explication réside peut-être dans le fait que le virus de la dengue regroupe quatre sérotypes différents, qui peuvent toucher une même personne au cours de sa vie. « Imaginons le cas d’un individu qui va contracter le sérotype 1. Il sera alors immunisé contre cette souche. Mais un ou deux ans plus tard, il peut s’infecter avec le sérotype 2. Et il peut alors se produire ce qu’on appelle un mécanisme immunitaire de facilitation : plutôt que de combattre l’infection, l’organisme va favoriser son avancée et la personne a alors un risque de faire une forme plus grave que la première fois », explique Éric Leroy, directeur de recherches à l’Institution française publique de recherche (IRD).
Davantage malade la deuxième fois que la première
Bref, avec la dengue, on a davantage de risque d’être plus fortement malade à la deuxième infection qu’à la première. Et c’est peut-être la même chose avec le vaccin. Chez une personne n’ayant jamais contracté le virus, l’hypothèse est que la vaccination soit « reconnue » comme une première infection par l’organisme. « Et si ensuite, la personne vaccinée contracte de manière naturelle un autre sérotype, elle peut développer une forme plus sérieuse », indique le professeur Stathl.
Sanofi a donc dû revoir ses ambitions à la baisse. Désormais, son vaccin est destiné à protéger uniquement les personnes déjà été infectées. Et c’est avec cette nouvelle indication que son vaccin a été approuvé en décembre au niveau européen. Reste à savoir si, à l’avenir, la France va utiliser le Dengvaxia dans ses territoires d’outre-mer régulièrement touchés par la dengue.
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